Promenade nocturne [libre]

On croit toujours que l’herbe est plus verte ailleurs. Pour Key, c’était raté. Si durant leur longue correspondance, Yume s’était montrée très ouverte sur sa personne, elle n’avait jamais fait référence à l’endroit dans lequel elle vivait. Et on comprend pourquoi.

*Bon, après tout, c’est un endroit comme un autre…*

Rien ne peut être pire que chez soi non ?

*Et puis je ne suis ici que pour un certain temps…*

Combien de temps encore ?

*…Le temps qu’il faudra pour Dong Hwan et moi.*

Depuis son arrivée, Key n’était sortie que très rarement. La seule raison pour laquelle elle sortait était de gagner sa vie. Enfin…gagner sa vie. Elle n’était pas sûre que ce soit le bon terme à utiliser dans une ville pareille. Sauver sa vie serait les mots justes. Ici, on est tout ou on est rien. Et quand on n’est aucun des deux, ce n’est pas pour longtemps. Heureusement pour elle, elle avait trouvé refuge dans un bar, qui, par chance, manquait énormément d’ambiance musicale. Comme quoi, ce n’est pas si regrettable des fois de ne pas avoir eu des parents avocats ou médecins, quand on vit dans un endroit où on n’en a pas besoin, vu que tous les cas étaient déjà et resteront toujours condamnés. Bien que quelqu’un se fut décidé à réagir…Pas toujours pour le bonheur des habitants.

-Ah…

Si maintenant le moral suivait la cadence, sa santé recommençait à avoir des difficultés en cours de route. Prise d’étourdissements, elle dû s’arrêter et prendre appui sur le banc le plus proche. Il faisait nuit. Il n’y avait donc personne pour lui venir en aide si jamais il lui prenait l’envie de faire une lipothymie. Enfin…Il ferait jour, il y aurait foule qu’elle était sûre que personne ne l’aiderait. Ni même se sentirait interpellé.

Cela faisait maintenant un mois qu'elle n'était plus sortie. Yume s'occupait des courses, et de tout ce qui demandait une visite à l'extérieur. La fatigue, les vomissements...Elle espérait depuis quelques jours que ce serait fini jusqu'au prochain "cycle", mais bon. L'espoir fait vivre, non ?

Elle venait juste de sortir de l’hôpital. Une visite de routine. Questions, réponses. Examens simplets. Le médecin lui avait demandé d’éviter les promenades nocturnes. Les promenades tout court d’ailleurs. Elle n’avait rien à craindre, mais elle se fatiguait plus vite qu’un sexagénaire. Mais on ne peut pas changer quelqu’un en quelques visites. Dommage pour elle, ça lui aurait évité de s’écrouler et de passer sa nuit sur un banc dans le froid et à l’affût du moindre pervers ou drogué du coin. C’est frustrant comme la vie peut s’acharner sur certains…

Allongée sur le banc, le doute la saisit. Bien que totalement à l'ouest, elle n'avait pas envie que son prénom soit affiché dans la nécrologie de demain. Qui sait combien de personnes se sont fait avoir la nuit en pensant que les alentours étaient complètement déserts avant de se faire martyriser par les sadiques invisibles qui rôdent autour de vous sans que vous vous en doutiez. Si bien que, en entendant du bruit, relativement trop proche d'elle à son goût, elle ne put que dire, de la voix la plus "forte" qu'elle pouvait encore tirer de son corps déjà bien fatigué:

-Qui est là ?

Question stupide, c'est vrai. Car, soit la personne est mal attentionnée et ne vous répondra pas, soit c'est une personne de passage et elle ne vous répondra pas non plus. Mais bon, faut de phrase pertinente, on fait avec la passe-partout.
Alors, qui était-ce ?

[sorry, vraiment, j’ai oublié de prévenir que j’étais absente cette semaine u____u’]


Depuis combien de temps était-elle allongée sur ce banc ? Assez de temps pour que la pauvre fille commence à grelotter de froid. Allait-elle pouvoir rester allongée toute la nuit ? Elle en doutait. Ou alors elle était partie pour avoir quelques dégâts de santé le lendemain.
Rien ne venait perturber le silence qui régnait dans le parc. Une seule question en tête. Devait-elle s’en inquiéter ?
Aveuglée par la lumière du lampadaire, elle prit une position nettement moins confortable mais beaucoup plus agréable pour ses yeux, déjà bien fatigués par les derniers évènements.
Il n’y avait qu’elle pour se mettre dans ce genre de situation, vraiment. Pourquoi se faciliter la vie quand on peut la rendre encore plus compliquée ? C’était à méditer.

-…J’ai faim…

Et il n’y avait qu’elle pour sortir ce genre de chose quand la situation ne s’y prêtait pas. Key se sentait stupide. Et surtout affamée. Elle n’avait pas put manger de toute la journée, le fait de nourrir la cuvette des toilettes plus que son propre estomac l’ayant résolue à ne plus rien avaler aujourd’hui. Seulement, on n’échappe pas à sa nature, et les cris plaintifs de son ventre eurent vite fait de la rattraper. Comment pouvait-elle penser à manger alors qu’elle était une proie facile pour n’importe quels farfelus dans les parages et qu’elle n’était pas en état de tenir debout ?




Personne ne lui avait répondu la première fois.

*Le vent, c’est le vent….*

Le vent. Seulement le vent, rien qu’un petit bruissement d’un arbre. C’est ce qu’elle espérait. En tout cas, quelques secondes secondes suffirent pour qu’elle reprenne son sang froid et sa confiance par la même occasion. Elle commençait vraiment à s’effrayer pour un rien. Il était temps qu’elle se décide à sortir plus souvent, ou elle allait devenir parano.
Du bruit pour rien. Une poussée de stresse pour rien. Une nuit gâchée pour rien.
Elle soupira, posant sa main sur son front. De la fièvre. Elle glissa sa main sur son visage et s’arrêta net. Un liquide épais et écoeurant. Du sang. Super. La totale.

Son cœur d’accéléra quand elle entendit de nouveau du bruit. Cette fois-ci, on était loin du buisson d’à côté qui frétillait aux allées et venues d’un hamster…Des pas.
Ayant prit la (bonne ?) résolution de ne pas poser de question au nouveau venu, elle resta immobile. Elle espérait pouvoir échapper à l’inconnu en simulant un sommeil plus que lointain. C’est fou comme la panique peut parfois rendre encore plus gauche. Si bien qu’elle dû renoncer à sa première idée. Tant pis. Va pour l’insomniaque malade et anxieuse au bout du rouleau.
Elle n’eut malheureusement pas le temps de réagir, qu’un rire tortueux la fit sursauter. Elle se redressa d’un bond. C’est qu’en plus, il était long. Pas la peine de crier, elle aurait vraiment l’air ridicule. Pas la peine non plus de rester de dos à l’inconnu qui venait de lui faire la frayeur de sa vie. Si jamais il s’agissait encore de ces bâtards de jeunes mal élevés…

Key se retourna, mais ne put d’abord qu’entrevoir une ombre. Celle-ci eut vite fait de se rapprocher. Elle ne voyait toujours qu’une ombre, un corps dissimulé sous une infinité de tissu noir. On était à l’opposé des contes de fées. Mais à Okugi, il faut toujours s’attendre à tout, n’est-ce pas ?

Elle lui répondit par un long silence d’abord. Il n’y avait qu’un seul mètre qui les séparait, mais la distance des mots semblait longue. Tentant vainement de tenir debout, elle n’eut pas l’idée d’essuyer le sang qui commençait à perler doucement sur ses lèvres. C’était plutôt bizarre comme situation. Elle n’avait même pas penser à courir afin d’échapper peut-être au pire. Son cerveau devait être encore trop embrumé.
Elle finit par croiser les bras. Qu’on en finisse au plus vite avec ce fou.

-Désolé mais si tu essaies de me faire peur c’est raté. Une fois, pas deux. Si tu veux te défouler, alors là c’est doublement raté. Je ne suis pas d’humeur…

Un seul léger coup de vent. La voilà de nouveau affalée sur le banc. C’était pathétique, mais elle n’y pouvait rien si sa force physique était loin d’atteindre son fort caractère. S’attendant à un autre rire, moqueur cette fois-ci de la part de l’inconnu, elle prit ses mains dans sa tête et attendit sa réaction, terminant par sa poétique hors du commun.

-Et merde…

(hj: à mon tour d'être désolé, Je suis vraiment désolé pour ce retard, j'avais la rentrée et tout, mais normalement je devrais maintenant être là au moins fois par semaine, mais tu peux prendre tout ton temps.)

D'abord Kahei pensa voir de la frayeur dans les yeux et l'attitude de la jeune femme. Ceci agrandit son sourire. Il imaginait que son coeur s'accélérait, que sa respiration se faisait plus pressante. Il ne savait pas trop quelle serait la suite des événements. Il n'y avait pas pensé, il avait juste imaginé un truc un peu puéril et légèrement... tordu pour faire peur à quelqu'un. Il se disait qu'il improviserait en fonction de la réaction de la personne effrayé. Soit il continuerait de faire l'effrayant, soit il partirait, soit il entamerait une conversation aussi banale que possible. Il n'y avait vraiment pas pensé, et cette question venait de lui traversait l'esprit. Il se rendit compte qu'il aurait été légèrement embarassé s'il était tombé sur quelqu'un de fragile au niveau du coeur et qui aurait fait une crise cardiaque. Et si la personne lui avait sauté dessus pour l'agresser. Il se rendit alors compte que ce qu'il venait de faire n'était pas très prudent, ni très malin, voire complètement idiot. M'enfin il s'était quand même un peu amusé et c'est ce qui comptait.

Il remarqua quelque chose de singulier sur les lèvres de la jeune femme. Du rouge... Il ne sut dire ce que c'est, l'idée du sang ne lui vint pas à l'esprit. Et pour tout dire, il ne se posa pas longtemps la question.

Ce silence qui s'installait entre eux était étrange. Kahei ne savait vraiment pas quoi faire ou quoi dire maintenant. La jeune femme ne réagissait pas, ne parait pas, ne le frappait pas, ne criait pas, n'appelait pas à l'aide.

Peut-être qu'elle n'avait pas eu peur, juste de la surprise à son apparition. Cette idée le déçu un peu. Cela voulait dire qu'il avait vraiment râté son coup. A quoi cela sert-il de faire tout une mise en scène, tout un préparatif pour faire peur à quelqu'un, si la victime n'a pas peur.

Déçu, intrigué, presque déconcerté et incommodé par le silence, il pensa partir sans un mot, sans une explication, et chercher une autre personne à effrayer ou rentrer chez lui.

Alors la jeune fille bougea, elle croisa les bras et perça le silence de sa voix remplit d'une certaine détermination.

Kahei fut surpris par ce qu'elle lui dit. Elle confirma l'idée qu'il avait eu et qui l'avait déçu, elle n'avait pas eu peur. Il ne comprit pas très bien ce qu'elle voulait dire par "une fois, pas deux". Quelle "une fois"? C'était la première fois qu'il essayait de lui faire peur. Mais il n'eut pas le temps de réfléchir longtemps sur cette interrogation, car un rire apparut et s'échappa de ses lèvres.

Elle n'était pas d'humeur pour qu'il se défoule? Cette phras le fit rire. Mais cette fois-ci d'un vrai rire, léger, franc, un rire amusé.

Son fut interrompu par le vent et une chute de la jeune femme. Elle, qui avait l'air si sûr d'elle, qui venait de l'affronter, de s'affirmer, elle s'effondra. Poussée par une brise de vent elle retomba sur le banc. Faisait voler par la même son apparence forte et inébranlable.

Un nouveau rire coula des lèvres de Kahei, un rire plus moqueur en effet, un rire parce qu'il était amusé. Parce que la situation était très étrange et très drole. Un rire qui chassa définitivement son ennui, un rire qui secoua légèrement son corps, un rire sincère, franc, un rire qu'il appréciait, un rire qu'il lui ferait dire par la suite que la soirée avait été agréable. Il ne put le retenir, il ne put l'empêcher, alors il en profita et le savoura jusqu'à ce qu'enfin il puisse l'arrêter.

Alors il laissa un peu le silence ce réinstaller, et prit un air plus sérieux qu'elle ne pouvait voir mais qui se refléta dans sa voix.

"Ce n'est pas très prudent de se promener ici la nuit. Vous ne savez jamais sur qui vous pouvait tombé."

Il avait tenté d'apprécier chaque mots, pour rendre encore plus étrange sa phrase. Une phrase comme celle-ci dans un telle situation et surtout prononcée lui parraisait incongrue et bizarre et à la fois très amusante. Il sourit, mais son sourire était masqué par l'ombre de sa capuche.